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#6 Irkustsk et le lac Baïkal : pause bleue

Je sors du train dans la gare d’Irkustk, il fait presque encore nuit. Je prend un petit café à la machine en attendant que le soleil se lève un peu plus et fait mon petit-déjeuner sur un siège. Je regarde les gens. Comme je n’ai prévu de rester que deux jours sur place avant de reprendre mon train-train, je prendrais le bus ce matin pour Listvyanka, la petite ville la plus proche du lac Baïkal. Le lac qui contient le plus d’eau douce du monde ! Je crois qu’au plus profond il fait un kilomètre de profondeur, c’est dingue. J’ai trop envie de le voir, même si c’est vite fait. Il y a de belles randos et une île à voir, mais ce ne sera pas cette fois-ci (au retour du Japon?).

Sur le chemin de la gare routière, je prends le tram, on traverse une grande rivière pour aller dans le centre ville. C’est moins impressionnant et plus petit que Moscou, normal. Ça fait un peu plus milieu de la Russie, avec des bouts de routes pas goudronnées, des maisons qui ont l’air de s’effondrer, des voitures un peu pourries. Et à la fois, il y a de beaux bâtiments, de petits parcs, des façades très travaillées et des églises scintillantes. Les gens sur la route sont fous, tout le monde va à fond, le tram peine à trouver son chemin parce qu’il le partage des fois avec les voitures.

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Sur le chemin de Listvyanka, je m’arrête à Taltsy, un tout petit village qui héberge un musée ethnologique en plein air. Ça démarre avec des tipis en écorce et des installations de chasseurs aborigènes de Sibérie et ça va jusqu’aux bâtisses, maisons typiques et écoles des premiers habitants russes. La première partie est installée dans la forêt, et c’est juste génial de marcher enfin au milieu de ces arbres que je n’avais vu que par la fenêtre du transsibérien ! Les anciens peuples de Sibérie avaient aussi leurs shamans, leurs organisations, leurs vies dans la nature. Ça me donne envie de partir en courant dans les bois pour me construire une cabane et ne jamais rentrer. Mais je pense à l’hiver ici et me ravise.

Je continue la visite, puis pause, thé, lecture. Plusieurs cars chinois me rejoignent. Je clôture avec le premier achat supplémentaire du voyage jusque là : une mascotte sous la forme d’un pins représentant un phoque tout mignon (un peu l’animal fétiche du lac) que je baptise en japonais Fuko (ふこ ou フコ selon le système d’écriture). Tout à fait kawaï (mignon) pour s’intégrer au Japon.

Je reprends le bus sur le bord du la route en début d’après-midi. Je me fais « arnaquer » parce que j’ai réservé le bus de 14h06 et celui-ci est passé avant, alors le chauffeur me refait payer à l’arrivée, au tarif depuis Irkustsk, alors qu’on a juste fait 15 minutes de route. En plus, à l’aller on est arrivée 15 minutes en avance, donc je suis venue l’attendre en avance et … ça m’énerve ! Puis après je calcule, ça fait un euro. Alors je n’y pense plus.

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Je suis arrivée ! Le lac est géant ! Ici c’est un peu une petite cité balnéaire en construction le long d’une petite partie du lac. Il y a comme moi des touristes chinois et russes principalement. Mais pas trop de monde au final, et les hôtels russes c’est quand même dépaysants parce qu’originaux : des imitations de châteaux, des tours bariolées, des petites maisons qui sont aussi des guesthouses …

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Au petit marché, c’est la bataille de qui aura le meilleur poisson fumé ! Je me balade de long en large sur l’espèce de promenade qui devient un trottoir qui devient la route. Coucher de soleil magnifique sur le lac, que je continue d’admirer de là où je loge. Petite guesthouse familiale, et grand luxe, j’ai une petite chambre pour moi toute seule ! Enfin pas vraiment. Vu qu’il fait chaud dedans, il y a plein de coccinelles qui arrivent à rentrer par les fenêtres puis meurent à l’intérieur à cause de la chaleur. J’aère et j’essaie de les déloger tant que faire se peut.

Vraiment, vraiment, ce lac est fou. On voit les montagnes qui l’entourent, mai pas toujours selon la lumière et l’angle, il est tout allongé. Des fois on dirait la mer, tellement on voit pas la fin. C’est majestueux, calme et imposant. Je crois que je l’ai regardé mille ans. De petits bateaux passent, des visites ou des pécheurs selon l’heure.

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Le lendemain matin, l’admiration continue avec la lumière du matin et quelques airs de ukulélé. Je suis trop contente parce je n’ai pas (encore) rêvé en japonais mais j’ai rêvé que j’allais à la poste au Japon. Et que je m’aidait de mon téléphone pour savoir comment dire « Je voudrais des timbres pour la France, pour cinq cartes postales et une lettre » (chose véridique que je dois faire aujourd’hui à Irkustsk). Je cherchais même le classificateur des timbres (en japonais, on utilise des mots différents apposés au nombre de chose selon le type de cette chose, comme par exemple la catégorie des objets longs et fins).

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Dernière balade le long du lac, puis je reprend le bus pour Irkustsk après quelques travaux sur l’ordinateur. J’ai remis la pression sur la nana du ferry, depuis que j’ai payé en ligne je n’ai pas de nouvelles. Sur le trajet du retour, je vois un deuxième accident (sans blessés). C’est pas l’Inde, mais ça roule quand même comme des boloss. Du coup je met ma ceinture !

En arrivant dans la ville, je ne suis pas loin d’une demeure-musée, et vais visiter cette reconstitution qui explique aussi l’épisode des Décembristes. En très résumé (avec plus de détail ici), des officiés lettrés, qui avait étudié en France et ailleurs, intéressé par les idées de démocratie, ont tenté un coup d’état militaire contre Alexandre I . Ça n’a pas marché, alors ils ont été expulsés en Sibérie, dans des camps de travaux forcés plusieurs années. Suivis par leur badass de femmes qui les ont aidés, toute la joyeuse bandes d’érudits a pu, après une bonne dizaine d’années, habiter normalement à Irkustsk, créé une école et continuer à s’instruire et instruire, modulo quelques morts entre temps, sans parler des enfants dont la plupart ne survivait pas à ces conditions plus que rudes. Impressionnant comment malgré tout ça, ils ont gardé la foi en la vie, tirant le meilleur possible de la situation.

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Je passe à la poste pour envoyer ces fameuses cartes, mais pas en japonais. Puis courses pour le train (train) qui commence demain matin. Le soir, c’est salade de betteraves-chou, brocoli et salade de patates cornichon, pour essayer de faire le plein de légumes avant le trajet de trois jours à venir.

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A la guesthouse, la dame qui s’en occupe, Julia, la soixantaine, est géniale. Je me sens à la maison direct. Elle est trop fan de la France et connaît plus d’acteurs et d’écrivains que moi. Il va falloir que je révise. Elle a une formation de docteure mais ne trouve pas d’emploi à Irkustsk, donc elle travaille ici pour le moment. Son mari est plus ou moins policier, il travaille loin quelques mois puis revient quelques semaines. Ils sont très content car leur fils est ingénieur en pétrole, il travaille au nord de la Sibérie. C’est une très bonne situation. Sinon la vie est chère, il faut beaucoup travailler pour un niveau de vie tout juste correct.

Je donne mes coordonnées à Julia pour quand elle viendra en France, j’essaie de la motiver ! Après j’écris et je traite les photos, puis au dodo et à demain pour encore plus de train-train !